Comprendre l’économie – Partie 3 : Pourquoi les économistes ignorent l’inégalité de richesse

Frédérik Lacharité
1 sept.
3 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 sept.

L’économiste britannique Gary Stevenson a lancé une série percutante en 4 épisodes sur YouTube intitulée « Understanding Wealth Inequality and the Economy ». Dans ce cours accessible à tous, il expose avec clarté les rouages de l’économie moderne et surtout… ce qu’on ne vous dit jamais.

Dans la Partie 1, il pose une question simple mais essentielle : qu’est-ce que la richesse ?
Dans la Partie 2, il montre comment l’inégalité de richesse détruit les conditions de vie de la majorité.
Et dans cette Partie 3, il s’attaque à une énigme dérangeante : si c’est si grave, pourquoi les économistes n’en parlent-ils pas ?

La Partie 4, intitulée « Inequality is driving everything », viendra clore ce cycle en liant tous les éléments ensemble.

Alors, pourquoi les économistes ne parlent pas plus d'inégalité de richesse?

1. Une formation académique qui efface l’inégalité

Gary Stevenson a étudié l’économie à la London School of Economics, puis à Oxford. Après 5 ans dans les meilleures institutions, le constat est sans appel : l’économie enseignée ne parle jamais des vrais problèmes économiques vécus par la population.

Pas un mot sur l’inflation, les loyers trop chers, les salaires stagnants, ou l’accès à la propriété. Tout tourne autour de modèles mathématiques abstraits.

Le cœur de ces modèles repose sur une hypothèse centrale : il n’y a qu’un seul individu dans l’économie, un “agent représentatif”. Autrement dit, l’économie se pense uniquement en termes de moyenne.

Conséquence :

→ Si une personne gagne 1 000 $ de plus et une autre 1 000 $ de moins, le modèle ne voit aucun changement.

→ Il n’y a aucune place pour mesurer ou comprendre l’inégalité.

2. Une élite formée à ne pas poser les vraies questions

Gary pousse la réflexion plus loin : si pendant 10 à 15 ans vous étudiez des modèles où l’inégalité n’existe même pas, vous finissez par croire qu’elle n’est pas importante.

Et si quelqu’un vous dit le contraire — que c’est l’inégalité qui explique l’effondrement du niveau de vie — ça vous menace personnellement :

Cela remet en question toute votre formation.
Cela veut dire que vos modèles sont inutiles.
Cela veut dire que vous avez échoué à prévoir la réalité.

Résultat ? Les économistes parlent de taux d’intérêt, de déficit public, de productivité… mais jamais de concentration de la richesse.

3. Les bons prévisionnistes quittent la scène publique

Gary a travaillé plusieurs années comme trader, où il était payé pour faire des prévisions économiques — avec de l’argent en jeu.

Il constate une chose inquiétante : ceux qui sont bons à prédire les crises sortent du système académique, car :

En finance, leurs compétences sont valorisées et rémunérées.
En université, on ne leur accorde pas d’attention, même quand ils ont raison.

Cela crée un système pervers :

Les meilleurs esprits quittent les cercles de décision… et ceux qui restent sont déconnectés de la réalité.

4. Une classe confortable… qui ne veut rien changer

Enfin, Gary souligne que la majorité des économistes influents sont issus de familles riches. Ils n’ont jamais souffert de l’inégalité, et ils n’ont aucun intérêt à remettre en cause le système qui les a favorisés.

Ils ne veulent pas changer un monde qui les a servis.
Ils sont financés par des institutions qui préfèrent maintenir le statu quo.
Ils ont tout à perdre à admettre que l’économie réelle souffre d’un mal qu’ils ne mesurent même pas.

Conclusion : ce n’est pas un oubli, c’est une construction

L’économie dominante ne « manque » pas l’inégalité par accident. Elle a été structurée pour ne pas en parler :

Sa formation ignore la répartition.
Ses modèles mathématiques éliminent la diversité des situations.
Ses incitatifs professionnels excluent les voix qui dérangent.
Son élite est à l’abri du besoin, et n’a aucun intérêt au changement.

Ce ne sont pas les économistes qui vont corriger l’inégalité. Ce sont les citoyens informés et mobilisés qui peuvent forcer le débat.

Gary a donc quitté les journaux traditionnels pour parler directement au peuple via YouTube. Et son message est clair : si nous ne parlons pas d’inégalité, personne ne le fera à notre place.