Comprendre l’économie – Partie 4 : L’inégalité est le moteur de tout
- Frédérik Lacharité
- 1 sept.
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Dernière mise à jour : 1 sept.

(Série en 4 parties : Partie 1 – Qu’est-ce que la richesse ? / Partie 2 – Qu’est-ce que l’inégalité de richesse ? / Partie 3 – Pourquoi les économistes ignorent l’inégalité)
Dans cette dernière partie de sa série choc, Gary Stevenson nous livre le cœur de son raisonnement : l’inégalité de richesse n’est pas un effet secondaire de l’économie moderne… elle en est le moteur principal.
Après avoir étudié à la prestigieuse London School of Economics et travaillé comme trader au cœur du système financier mondial, Gary est arrivé à une conclusion à la fois dérangeante et limpide :
Plus l’inégalité de richesse augmente, plus l’économie s’affaiblit. Et plus les institutions censées prévoir et corriger la situation deviennent aveugles.
1. Une prise de conscience née d’un désastre
Gary commence à travailler comme trader en juin 2008, juste avant l’effondrement de Lehman Brothers. Il a alors pour mission de prédire les taux d’intérêt à court terme des grandes banques centrales (Fed, Banque d’Angleterre, etc.).
Quand la crise éclate, les taux sont brutalement abaissés à presque 0 % partout dans le monde. L’idée dominante à l’époque — comme aujourd’hui — est que des taux bas vont stimuler l’économie en encourageant l’endettement et la consommation.
Mais très vite, Gary observe une anomalie persistante :
Malgré les taux bas, les gens ne dépensent pas. L’économie ne redémarre pas.
2. Pourquoi les gens ne dépensent-ils pas ?
Pour comprendre, Gary fait une chose que peu d’économistes osent faire : il pose la question directement aux gens ordinaires.
Et la réponse est toujours la même :
« Je ne dépense pas parce que je n’ai pas d’argent. »
En surface, cela semble simple, presque banal. Mais cette réponse entre en conflit frontal avec toute la théorie économique dominante. Car dans un monde sans inégalité (comme celui des modèles économiques enseignés), personne ne devrait manquer d’argent.
Et pourtant, sur le terrain, les familles s’appauvrissent, les jeunes ne peuvent plus acheter de maison, et les gouvernements croulent sous les déficits.
3. La richesse ne disparaît pas, elle se déplace
Gary pousse plus loin : si les familles s’appauvrissent, si les États vendent leurs actifs et s’endettent, où va l’argent ?
Et là, un déclic s’opère. Il réalise que la richesse ne s’évapore pas — elle est captée par les plus riches.
Il est entouré de millionnaires, dans un secteur où la richesse se concentre. Les marchés montent, les actifs explosent, pendant que la population s’endette et que les services publics sont coupés.
Cette redistribution à l’envers n’est pas conjoncturelle. C’est une tendance systémique.
4. Un mécanisme qui s’auto-renforce
Plus l’inégalité augmente, plus les riches accumulent des actifs générant du revenu passif (loyers, dividendes, intérêts…).Et plus les pauvres doivent payer pour accéder à ces mêmes actifs (logement, crédit…).
Résultat :
Les riches gagnent de l’argent sans travailler.
Les pauvres travaillent sans réussir à accumuler.
L’économie devient un siphon qui transfère la richesse vers le haut, de façon accélérée.
Ce phénomène est exponentiel. Et tant que rien n’est fait, il s’aggrave de lui-même.
5. Une grille de lecture qui explique tout
Avec cette nouvelle compréhension, Gary réussit là où les économistes échouent :
Il prévoit que la reprise post-2008 sera lente voire inexistante.
Il comprend que les taux d’intérêt resteront bas pendant une décennie.
Il anticipe la montée des marchés financiers malgré la faiblesse de l’économie réelle.
Il voit venir l’effondrement du niveau de vie et la crise du logement.
Il devine la montée des extrêmes politiques, due à la frustration économique généralisée.
Tout devient prévisible une fois qu’on met l’inégalité au centre de l’analyse.
Conclusion : l’inégalité est le moteur invisible… de tout
Ce que Gary révèle, c’est que l’économie moderne fonctionne désormais comme une machine à concentrer la richesse. Et que ce mécanisme explique l’essentiel de ce que nous vivons aujourd’hui : salaires stagnants, prix des maisons inaccessibles, colère politique, endettement public et privé, etc.
Tant que l’inégalité s’accroît, les solutions traditionnelles ne fonctionneront pas.
Il ne s’agit pas d’être pessimiste. Il s’agit de regarder les choses en face.Et surtout, de se poser la bonne question : Combien de temps allons-nous tolérer un système qui s’effondre au profit d’une minorité ?